La Couseuse

En plongeant dans ma généalogie, j’ai pris conscience, alors que l’Orchestre Poitou-Charentes m’invitait à passer un an dans des ateliers de couture, qu’une grande partie de ma famille était issue d’une ville de tisserands. L’autre partie de ma famille était libraire. Travailler à entendre et recomposer ce qui se tramait dans ces ateliers était alors comme un retour aux sources.

Les jeunes couturières et couturiers m’ont ouvert la porte de leur atelier, m’ont plongé dans un monde sonore inouï ; un bruit environnant continu produit par des turbines qui actionnent des outils de confection, chacun d’entre eux produisant des sons plus fins, précis, une mécanique d’horloger. Au-delà de ce monde sonore, le fait de coudre repose sur un apprentissage minutieux, ou chaque détail compte : il faut être concentré sur chacun, même infime, pour que la fabrique soit possible.

Car coudre, c’est aussi agencer des pièces de tissu, les unes après les autres. Je me souviens m’être arrêté, fasciné, devant les « gammes » de confection, sorte de plan structurel me renvoyant aux analyses détaillées des formes musicales. Il s’agissait alors pour moi, l’imaginaire nourri, de constituer un glossaire de ces matières sonores mécaniques, afin de les agencer patiemment. [Colin Roche]